
EDITORIAL …………………………………………………………………………………………. 3
Kondjo Diddy Brossala, Initiation traditionnelle Sara-Kaba et foi chrétienne : conflits des authenticités ?………………………………………………………………………………….. 5
Alain Mutela Kongo, Rites de passage et significations du bosquet initiatique africain. …………………………………………………………………………………………………………37
Stephen Kizito Forbi, Enjeux politiques du dialogue interreligieux…………………… 75
RECENSIONS ………………………………………………………………………………….. 107
Bertrand BADIE, Quand le Sud réinvente le monde. Essai sur la puissance de la faiblesse…………………………………………………………………………………………… 107
Souleymane Bachir DIAGNE et Jean-Loup AMSELLE, En quête d’Afrique(s). Universalisme et pensée décoloniale………………………………………………………… 108
Kasereka KAVWAHIRERI, Y’en a marre ! Philosophie et espoir social en Afrique. 108
Felwine SARR et Bénédicte SAVOY, Restituer le patrimoine africain……………… 109
Roger DIKEBELAYI MAWEJA, La rationalité théologique d’après T. Tshibangu et B. Lonergan. Perspectives d’une herméneutique théologique intégrale………………….. 110
Emmanuel DURAND, Jésus contemporain. Christologie brève et actuelle………….. 111
Joseph MOINGT, L’esprit du christianisme………………………………………………… 112
Faire du neuf avec du vieux, tel pourrait être le fil conducteur de ce numéro qui marque la continuité en même temps qu’un nouveau commencement. Ce nouveau numéro marque l’entrée d’une nouvelle équipe éditoriale. Je veux saisir cette occasion pour remercier mes prédécesseurs Paul Béré, sj, et Rodrigue M. Naortangar, sj, pour le travail qu’ils ont abattu à la tête de la revue, et pour leur soutien. A bientôt sept (7) ans, Kanien va atteindre l’âge de raison qui suppose une meilleure compréhension de soi et une capacité de réfléchir sur son expérience passée, afin d’en tirer des leçons et de pouvoir vivre dans le présent tout en se projetant dans le futur.
Dans ce numéro, deux auteurs, Diddy Brossala, sj, et Alain Mutela Kongo, revisitent la question de l’initiation traditionnelle africaine. Le premier essaie de comprendre comment le discours théologique en Afrique permet de répondre aux questions sur l’humain que posent des pratiques telles que l’initiation traditionnelle. De plus, Diddy Brossala cherche à savoir s’il y a réellement incompatibilité —comme le pensent certain/e/s— entre l’initiation traditionnelle et la foi chrétienne. Alain Mutela tente de dégager les significations topologique, épistémologique et théologique de cette même initiation. Pour ces deux auteurs, l’initiation (masculine) constitue un cadre important de reproduction sociale sur le continent africain et ne saurait être envoyée aux oubliettes. Les deux auteurs, respectivement, nous offrent un regard passionné de l’intérieur sur ce phénomène culturel qu’est l’initiation. Les deux premiers articles semblent tous poser la question de la possibilité d’un christianisme africain qui intègre le contexte africain et ce qui est au coeur de l’expérience africaine. Finalement, Stephen Kizito Forbi, sj, propose une réflexion philosophique sur les conditions de possibilité d’un dialogue interreligieux au Cameroun dans le respect des différentes dénominations religieuses. Sa réflexion prend en compte l’histoire religieuse récente de ce pays
et la manière dont la pluralité religieuse s’y déploie dans le temps et l’espace.
Faire du neuf avec du vieux. Les différents articles de ce numéro nous proposent un regard renouvelé sur des problématiques anciennes qui demeurent actuelles et pertinentes.
J. Loïc Mben, sj
RESUME DES DIFFERENTS ARTICLES DU NUMERO
Initiation traditionnelle sara-kaba1 et foi chrétienne : conflits des authenticités ?
Le présent article se focalise sur l’initiation traditionnelle avec en toile de fond la préoccupation suivante : celle de savoir comment le discours théologique en Afrique répond à la question de l’humain qui habite certaines pratiques traditionnelles et culturelles. L’auteur utilise la culture Sara-Kaba du sud du Tchad comme illustration. L’initiation traditionnelle, qui est une structure éducative et d’intégration socio-culturelle de l’individu parmi les adultes du village ou du clan, pose beaucoup de questions quant à sa pertinence et à sa nécessité pour un chrétien qui veut être authentiquement chrétien. Elle consiste en une série de rites, d’instructions et d’épreuves ayant pour but une restructuration de l’individu aussi bien au niveau social, politique que religieux. Elle opère ainsi une transformation essentielle, pour ne pas dire ontologique, de l’individu en vue de l’instituer dans une nouvelle personnalité socio-politique. Pour certains chrétiens qui s’opposent à l’initiation, cette dernière est incompatible avec la foi chrétienne. Pour eux, il faut faire un choix : soit l’initiation, soit la foi chrétienne. La question fondamentale est celle de savoir si, pour devenir véritablement et authentiquement chrétien, il faut rejeter l’initiation traditionnelle, héritée des ancêtres.
Rites de passage et significations du bosquet initiatique africain
Le présent article s’intéresse aux rites de passage, plus particulièrement à l’initiation comme phase de croissance et de maturation humaine. L’auteur en dégage les significations anthropologique, sociologique et même théologique. Pour ce faire, il puise aux sources de sa propre culture et de son expérience non sans s’appuyer sur les écrits du théologien congolais Oscar Bimwenyi-Kweshi. En tant que processus, l’initiation africaine s’effectue à travers les différents rites jalonnant la trajectoire existentielle de l’homme africain. Elle commence par la naissance et l’imposition du nom. En effet, cette dernière constitue, pour les hommes avertis, un rite de passage de l’anonymat à l’identification individuelle dans la société. L’initiation n’introduit pas seulement à la compréhension renouvelée de soi et du monde, mais elle se donne aussi comme un instant fondateur, un moment d’institution et d’articulation des significations majeures, constitutives de la culture profonde d’un peuple. C’est en ce sens que l’auteur parle, avec Oscar Bimwenyi-Kweshi, de l’initiation comme lieu topologique, mais aussi comme promontoire à partir duquel un peuple dit son monde et son horizon paradigmatique, comme lieu épistémologique de production du sens, et enfin comme lieu théologique où Dieu rencontre
les mortels.
Enjeux politiques du dialogue interreligieux
La religion est-elle une source de conflit, de tension entre personnes ou bien une source de paix, de vivre-ensemble harmonieux ? Étymologiquement, la religion est une ouverture à l’autre qui est différent de moi en vue d’établir des liens de collaboration. Le dialogue interreligieux a, alors, comme toile de fond la pluralité religieuse. Le pluralisme religieux au Cameroun est traditionaliste-identitaire, missionnaire-communautaire et pentecôtiste-institutionnel. Trois types de dialogue ont lieu simultanément entre ces religions : le dialogue au quotidien, le dialogue d’action collaborative et le dialogue d’expérience religieuse. Les thèmes récurrents dans ces dialogues sont : promouvoir le vivre-ensemble, la liberté religieuse, la citoyenneté, etc. Pour que la diversité religieuse soit un atout au Cameroun, il faut respecter quelques exigences comme le respect de la laïcité et de l’altérité. Quoique les religions soient séparées les unes des autres par leurs spécificités, le dialogue interreligieux doit mettre en exergue leur fonction prophétique qui est la construction de l’humanité avec la société camerounaise.