
Etudes
André WENIN, Le récit de la bénédiction et ses enjeux dans le livre de la Genèse . 4
Saturnin Cloud BITEMO, sj, La vérité historique surKimpa Vita……………………… 36
Cyrille Ayayi KPONYO-HILLAH, Les traces d’interculturalité dans l’art visuel d’Engelbert Mveng………………………………………………………………………………. 61
François-Xavier AKONO, sj, Relecture des variations théologiques de Meinrad Hebga……………………………………………………………………………………………… 82
Recensions
Michel ISTAS, sj, Patterns of Morality in the Bible: Handbook of Fundamental Moral Theology, Nairobi, Paulines Publications Africa, 2019, 240 pages………………….. 114
Marie-Jo THIEL, l’Eglise catholique face aux abus sexuels sur mineurs, Montrouge, Bayard Editions, 2019, 718 pages………………………………………………………….. 116
Ghislain TSHIKENDWA MATADI, Le Départ, Saint-Maur-des-Fossés, Jets d’encre, 2018, 155 pages……………………………………………………………………………….. 118
Hétéroclite ! Tel est le mot que l’on serait tenté d’utiliser pour qualifier le deuxième numéro de Kanien pour l’année 2019 tant les articles proposés diffèrent par leurs thèmes, leurs méthodes et leurs champs d’investigation. En effet, les différents auteurs nous proposent de passer par la Bible, la philosophie, l’art et la théologie systématique. Pourtant à y voir de près, un trait commun ressort des différents articles : le caractère complexe et multiforme de chaque sujet traité.
André Wénin dans son article sur la bénédiction dans le livre de la Genèse nous offre les différentes inflexions de la bénédiction dans ce livre de la Bible depuis les récits de la création jusqu’à la bénédiction finale du patriarche Jacob. A travers l’approche narrative, Wénin nous fait découvrir que le parcours de la bénédiction dans le livre de la Genèse est tumultueux et que la bénédiction est constamment menacée par la convoitise.
Saturnin Bitemo, sj, nous donne de redécouvrir Kimpa Vita, une des grandes figures de l’histoire congolaise et africaine. Il nous brosse un portrait lucide de l’héroïne kongolaise du début 18e siècle qui tente de faire la part des choses entre le panégyrique et la suspicion entourant la personne de Kimpa Vita. Il en ressort un tableau complexe et fascinant de l’héroïne.
Cyrille Ayayi Kponyo-Hillah, o.p., tente de faire ressortir les diverses influences présentes dans l’art visuel d’Engelbert Mveng. On y découvre non seulement l’itinéraire artistique de Mveng, mais aussi comment cet itinéraire a affecté ses oeuvres concrètes de manière à en faire un art typiquement africain. Finalement, il montre comment l’art de Mveng exemplifie une manière d’intégrer harmonieusement la diversité et de parler simultanément à plusieurs aires culturelles.
François-Xavier Akono, sj, revisite lui aussi un pionnier de la théologie contemporaine africaine dans la personne de Meinrad Hebga. Il propose une lecture du discours ecclésiologique de Hebga mais surtout sa conception du ministère de guérison. La théologie de Hebga doit se comprendre dans le contexte postcolonial comme une tentative de s’affranchir du joug colonial afin d’advenir à des rapports plus cohérents avec l’Evangile. Il s’agit, au fond, de voir comment inculturer l’Evangile afin de le rendre pertinent pour le contexte africain. Loin d’être originale, cette synthèse nous offre l’occasion de jauger la pertinence des intuitions théologiques de Hebga.
Ce parcours très riche qui nous mène par plusieurs chemins nous ramène à la réalité de la religion chrétienne et du contexte africain. La question de la bénédiction inclusive des individus et des groupes reste une réalité qui hante les sociétés africaines postcoloniales. Kimpa Vita offre une manière de répondre à un contexte de crise, qu’on soit d’accord avec sa méthode ou pas. Mveng, nous offre une méthode afin d’harmoniser le pluriel. Hebga nous donne de repenser les conditions théoriques de l’engagement de l’Eglise en général et des chrétien-ne-s en particulier dans un contexte postcolonial. Au fond, ces différents articles nous donnent l’occasion de repenser la réappropriation fructueuse de nos expériences et héritages.
RESUME DES DIFFERENTS ARTICLES DU NUMERO
Le récit de la bénédiction et ses enjeux dans le livre de la Genèse
La bénédiction est l’un des thèmes majeurs qui traversent le livre de la Genèse. De la bénédiction des êtres vivants suite à leur création (Gn 1,22.28) à celle que Jacob donne à ses fils avant sa mort (Gn 49,28), elle est intimement liée au projet de vie du Dieu de la Genèse. Ce thème se développe sous la forme d’un récit. Alors qu’au sein de l’humanité elle est menacée par la convoitise dont le fruit est la malédiction, Dieu appelle Abraham à s’en faire l’instrument pour qu’elle parvienne à tous les clans de la terre. De génération en génération, la bénédiction divine se transmettra, non sans être gravement menacée lorsqu’elle devient elle-même l’objet de la convoitise – c’est le fameux épisode du vol par Jacob de la bénédiction destinée par Isaac à Ésaü son aîné. C’est le ‘parcours’ de la bénédiction entre Gn 1 et 49 ainsi que le sens qui s’en dégage que cet article s’efforce de mettre en lumière.
Les traces d’interculturalité dans l’art visuel d’Engelbert Mveng
Les traces d’interculturalité dans l’art visuel d’Engelbert Mveng se lisent dans l’usage qu’il fait dans ses oeuvres de couleurs, de symboles et de motifs, qui participent du langage codifié de l’art africain. Ce langage met essentiellement en jeu le combat de la vie et de la mort menant au triomphe de la vie. En repérant le sens des mêmes couleurs, symboles et motifs dans différentes cultures de l’Afrique centrale et de l’Afrique de l’ouest, on découvre des interprétations concordantes. Ces traces, signes d’interculturalité, marquent la vision commune du combat pour la vie, engagé par l’art dans la diversité culturelle africaine. Une telle étude renforce l’apport de l’art au dialogue interculturel.
La vérité historique sur Kimpa Vita
Le présent article cherche à mettre en lumière la figure de Kimpa Vita dont l’action, dans le Kongo du XVIIIe siècle, annonce la lutte de libération de l’Afrique noire. Le contexte est celui d’une période critique pour le royaume kongo. La rencontre avec l’Occident y est vécue comme une rupture dramatique menaçant les fondements de la société. L’introduction d’une nouvelle religion et de la traite négrière en sont les causes. Mais au coeur de la désagrégation du royaume, des voix s’élèvent comme celle de Kimpa Vita pour résister à l’hégémonie culturelle et religieuse européenne en proposant comme chemin un retour à la culture kongo. Influencée par les stéréotypes sur la race noire datant de l’Antiquité pour les uns, ou portée par le souci d’affirmation de soi, sous la mouvance de la négritude, pour d’autres, l’historiographie à propos de la jeune kongolaise, est partagée entre deux tendances antagonistes, la qualifiant à la fois d’hérétique et de résistante. Seule une relecture de cette page d’histoire, sans passion et avec l’apport de nouveaux éléments, permet de comprendre mieux cette figure de Kimpa Vita et les enjeux de la foi chrétienne en Afrique noire. En vérité, cette jeune kongolaise invitait les habitants du Kongo à résister et à lutter pour le redressement du système politique national perturbé par la présence étrangère qui, au moyen de nombreuses intrigues, a ruiné le pays.
Relecture des variations théologiques de Meinrad Hebga, SJ
Le présent article propose une relecture des intuitions de Meinrad Hebga en ecclésiologie ou plus précisément ce qu’être Église signifie en Afrique dans un contexte postcolonial. La théologie de Meinrad Hebga nait dans le contexte africain. En tant que pionnier, il pose les jalons d’une expression théologique qui tient compte des défis d’une foi vécue, non par procuration, mais engagée à réfléchir sur la culture, l’Église et la souffrance. Hebga porte son attention sur les rapports entre les Églises locales africaines et leurs Églises fondatrices d’une part, et la question de l’enracinement de l’Evangile sur le sol africain d’autre part. Dans sa manière de théologiser, Hebga montre que l’activité pastorale, et plus particulièrement la diaconie des malades, nourrit et informe la systématisation du croire, dont Jésus reste la pierre angulaire. Il clarifie ainsi comment être chrétien-ne et être Africain-e se combinent.